Quatrièmement ~> 2



Plus tard dans la journée, Gretta fut à la fois contente et anxieuse de retrouver son père en rentrant chez elle. Ils ne s’adressaient pas beaucoup la parole et depuis des années. Adle travaillait tellement qu’il ne se préoccupait pas souvent du reste, considérant que « pas de nouvelles, bonne nouvelle ».  Lorsque sa femme l’avait quitté, il avait été dévasté, mais s’était efforcé de ne pas le montrer et d’intérioriser pour ne pas empirer la situation. Il avait l’habitude de prendre sur lui, travaillant en tant que chef. 

         Il fut surpris de voir sa fille débarquer dans la cuisine avec cette tenue. Il n’adorait pas voir sa petite fille avec les jambes à découvert, mais il ne dit rien.

« Mon dieu j’aurais jamais dû m’habiller comme ça moi, tout le monde regarde mes jambes décidément… pourquoi j’ai mis ça d’ailleurs, je sais même pas… est-ce un coup d’hormones à cause du garçon de l’autre fois ? »

              Bonjour… fit timidement Gretta
              Bonjour. Il reste du café, si tu veux.
              D’accord… 

« Super l’ambiance ! » grommela Gretta intérieurement.

         Puis elle se rappela de ce qu’elle avait en tête.

              Ce…ça va ? lui demanda-t-elle
              Oui. Et toi, le lycée ?
              Euh, normal…
              Bien…

« Rolala, ça craint… il faut que je parle de maman… mais comment… »

              Ca va pas tarder à être les réunions parents/profs… mentit-elle
              Ah…
              Oui. C’est maman qui y allait.
              Je sais. Je verrai si je peux y aller.


« Mince, il est en train de clore le sujet… vite ! »

              Papa, je…
              Oui ?
              Je voulais savoir…
              Hum ?
             
              Dis.
              Les médecins t’avaient dit quoi pour maman ce soir-là ?

Alde tressaillit. Gretta crut le voir sursauter.

              Qu’ils ne savaient pas grand-chose.
              Mais… du coup sa mémoire ?
              Eh bien, ils m’avaient dit qu’elle pouvait revenir tout comme elle ne pouvait ne pouvait pas. Je n’en sais pas beaucoup.
              Tu crois qu’elle avait perdu quelles années quand on l’a retrouvée ?
              Toutes ces questions, Gretta, cela m’étonne de ta part.


« Marre de notre famille de coincés ! » se dit-elle, en colère.

              Je me les pose depuis un bon moment…
              Pour te répondre, je ne sais pas. En tout cas, elle ne se souvient ni de toi ni de moi.
              Alors c’était avant de te rencontrer ?
              Probablement.
              Mais vous ne m’avez jamais raconté comment vous vous étiez connus…

La jeune enfant n’avait non plus jamais demandé. Son père l’intimidait beaucoup, elle s’était même interrogée sur la technique de sa mère pour réussir à l’atteindre.

              On s’est rencontrés loin d’ici… elle m’avait cogné avec sa voiture car elle ne m’avait pas vu traverser de nuit… je n’avais rien. 

« C’est plutôt romantique ! » se dit la jeune fille.

              On s’est plus, on s’est fréquentés, et… voilà.


« Il a la particularité de donner peu de détails… c’est un défaut ou une qualité, je ne sais pas. » pensa-t-elle avant d’ajouter :

              Tu disais que c’était loin d’ici ? C’était où ?
              Oh, là où j’ai grandi… ta mère m’avait prévenu qu’elle aimait déménager loin du jour au lendemain… ce qui n’est pas facile pour mon travail. Nous avons donc déménagé une première fois après notre mariage, et une deuxième fois quand tu avais à peine deux ans pour venir ici.
              Vraiment ? Je ne savais pas !
              Ce n’est pas très important, tout ça. C’était chaotique ces déménagements, car ta mère était très impatiente de nature. Tu sais à quel point elle était anxieuse.
              Je crois oui… mais dis m’en plus…
              Elle était très portée sur l’action quand je l’ai rencontrée, ça s’est calmé après ta naissance, je pense.
              Ah bon ?
              Oui.


« J’en ai plus appris sur le passé de mes parents en ces cinq minutes qu’en dix ans » se dit Gretta, éberluée.

              Tu crois qu’on la reverra ?
              Je préfère essayer de ne pas penser à elle et de me dire que la vie continue quand même, Gretta. On a profité d’elle pendant 17 ans, c’est déjà très bien.
              Tu le penses vraiment ?
              Je dis toujours le fond de ma pensée.

« Dis plutôt que tu essayes de te convaincre ! »


« Qu’est-ce qu’elle est bavarde, aujourd’hui » se dit Alde. « Mais au moins on dialogue, c’est bien, ça change ??? »

              Et euh merci pour m’avoir remontée dans ma chambre l’autre fois…
              De rien, je l’ai toujours fait, même si c’était plus simple lorsque tu étais plus petite, plaisanta-t-il.
              Bon, je vais monter, moi… lança Gretta.
              Travaille bien, alors.

« Oh mince c’est vrai, j’ai du boulot… il joue bien son rôle de père tiens… » pensa la jeune fille avant de s’enfuir dans les escaliers.


         Alde la regarda partir. Il n’approuvait décidément pas sa tenue. Il aurait bien aimé lui demandé si le stagiaire avait été correct l’autre fois, d’ailleurs. Mais il avait du mal à lui adresser la parole sans qu’elle se braque, qu’elle se mette à réfléchir et à décortiquer chacune de ses phrases comme s’il était manipulateur. Il détestait ça chez sa fille, sa méfiance incroyable. Sa femme aussi était méfiante des autres, mais pas de la même façon… parler d’elle lui avait fait tellement de mal… parler de l’amour de votre vie qui après vous avoir tant aimé fait mine d’annuler tout ce qui s’est passé en ne vous reconnaissant pas… les yeux perçants de sa femme le poursuivaient jusque dans son sommeil. Ces yeux qui l’avaient regardé sans l’once du moindre amour pour lui la dernière fois… c’était trop dur.

         Le père de famille ignorait que sa fille était montée non pas dans sa chambre bien à elle, mais dans la sienne…


« Je dois trouver ces informations : là où ils se sont rencontrés, là où ils ont déménagé ! Je sais qu’il ne me dira rien, ça lui fait trop de peine de rouvrir la blessure. Je dois fouiller cette paperasse pour savoir… je dois savoir ! » se dit Gretta.

Elle sortit son portable et fit une photo du bureau pour être sûre de le remettre correctement et éviter tout soupçon de son père. Puis, elle se mit à délicatement inspecter les documents en face d’elle.

« Tiens, évidemment, je tombe sur des choses récentes…OH ! La convention de stage d’Augustin… j’ai son nom de famille… je le chercherai sur Facebook tiens… » sourit Gretta, toute contente.

         Puis elle repensa au pourquoi de sa venue dans la pièce et se remit au travail.

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