Plus tard dans la journée, Gretta fut à la fois contente et
anxieuse de retrouver son père en rentrant chez elle. Ils ne s’adressaient pas
beaucoup la parole et depuis des années. Adle travaillait tellement qu’il ne se
préoccupait pas souvent du reste, considérant que « pas de nouvelles,
bonne nouvelle ». Lorsque sa femme
l’avait quitté, il avait été dévasté, mais s’était efforcé de ne pas le montrer
et d’intérioriser pour ne pas empirer la situation. Il avait l’habitude de
prendre sur lui, travaillant en tant que chef.
Il fut surpris
de voir sa fille débarquer dans la cuisine avec cette tenue. Il n’adorait pas
voir sa petite fille avec les jambes à découvert, mais il ne dit rien.
« Mon dieu j’aurais jamais dû m’habiller comme ça moi,
tout le monde regarde mes jambes décidément… pourquoi j’ai mis ça d’ailleurs,
je sais même pas… est-ce un coup d’hormones à cause du garçon de l’autre
fois ? »
–
Bonjour… fit timidement Gretta
–
Bonjour. Il reste du café, si tu veux.
–
D’accord…
« Super l’ambiance ! »
grommela Gretta intérieurement.
Puis elle se
rappela de ce qu’elle avait en tête.
–
Ce…ça va ? lui demanda-t-elle
–
Oui. Et toi, le lycée ?
–
Euh, normal…
–
Bien…
« Rolala, ça craint… il faut que je parle de maman… mais
comment… »
–
Ca va pas tarder à être les réunions parents/profs…
mentit-elle
–
Ah…
–
Oui. C’est maman qui y allait.
–
Je sais. Je verrai si je peux y aller.
« Mince, il est en train de clore le sujet…
vite ! »
–
Papa, je…
–
Oui ?
–
Je voulais savoir…
–
Hum ?
–
…
–
Dis.
–
Les médecins t’avaient dit quoi pour maman ce
soir-là ?
Alde tressaillit. Gretta crut le
voir sursauter.
–
Qu’ils ne savaient pas grand-chose.
–
Mais… du coup sa mémoire ?
–
Eh bien, ils m’avaient dit qu’elle pouvait
revenir tout comme elle ne pouvait ne pouvait pas. Je n’en sais pas beaucoup.
–
Tu crois qu’elle avait perdu quelles années
quand on l’a retrouvée ?
–
Toutes ces questions, Gretta, cela m’étonne de
ta part.
« Marre de notre famille de
coincés ! » se dit-elle, en colère.
–
Je me les pose depuis un bon moment…
–
Pour te répondre, je ne sais pas. En tout cas,
elle ne se souvient ni de toi ni de moi.
–
Alors c’était avant de te rencontrer ?
–
Probablement.
–
Mais vous ne m’avez jamais raconté comment vous
vous étiez connus…
La jeune
enfant n’avait non plus jamais demandé. Son père l’intimidait beaucoup, elle
s’était même interrogée sur la technique de sa mère pour réussir à l’atteindre.
–
On s’est rencontrés loin d’ici… elle m’avait
cogné avec sa voiture car elle ne m’avait pas vu traverser de nuit… je n’avais
rien.
« C’est plutôt
romantique ! » se dit la jeune fille.
–
On s’est plus, on s’est fréquentés, et… voilà.
« Il a la particularité de donner
peu de détails… c’est un défaut ou une qualité, je ne sais pas. »
pensa-t-elle avant d’ajouter :
–
Tu disais que c’était loin d’ici ? C’était
où ?
–
Oh, là où j’ai grandi… ta mère m’avait prévenu
qu’elle aimait déménager loin du jour au lendemain… ce qui n’est pas facile
pour mon travail. Nous avons donc déménagé une première fois après notre
mariage, et une deuxième fois quand tu avais à peine deux ans pour venir ici.
–
Vraiment ? Je ne savais pas !
–
Ce n’est pas très important, tout ça. C’était
chaotique ces déménagements, car ta mère était très impatiente de nature. Tu
sais à quel point elle était anxieuse.
–
Je crois oui… mais dis m’en plus…
–
Elle était très portée sur l’action quand je
l’ai rencontrée, ça s’est calmé après ta naissance, je pense.
–
Ah bon ?
–
Oui.
« J’en ai plus appris sur le
passé de mes parents en ces cinq minutes qu’en dix ans » se dit
Gretta, éberluée.
–
Tu crois qu’on la reverra ?
–
Je préfère essayer de ne pas penser à elle et de
me dire que la vie continue quand même, Gretta. On a profité d’elle pendant 17
ans, c’est déjà très bien.
–
Tu le penses vraiment ?
–
Je dis toujours le fond de ma pensée.
« Dis plutôt que tu essayes de te convaincre ! »
« Qu’est-ce qu’elle est bavarde, aujourd’hui » se
dit Alde. « Mais au moins on dialogue, c’est bien, ça
change ??? »
–
Et euh merci pour m’avoir remontée dans ma
chambre l’autre fois…
–
De rien, je l’ai toujours fait, même si c’était
plus simple lorsque tu étais plus petite, plaisanta-t-il.
–
Bon, je vais monter, moi… lança Gretta.
–
Travaille bien, alors.
« Oh mince c’est vrai, j’ai du
boulot… il joue bien son rôle de père tiens… » pensa la jeune
fille avant de s’enfuir dans les escaliers.
Alde la
regarda partir. Il n’approuvait décidément pas sa tenue. Il aurait bien aimé
lui demandé si le stagiaire avait été correct l’autre fois, d’ailleurs. Mais il
avait du mal à lui adresser la parole sans qu’elle se braque, qu’elle se mette
à réfléchir et à décortiquer chacune de ses phrases comme s’il était manipulateur.
Il détestait ça chez sa fille, sa méfiance incroyable. Sa femme aussi était
méfiante des autres, mais pas de la même façon… parler d’elle lui avait fait
tellement de mal… parler de l’amour de votre vie qui après vous avoir tant aimé
fait mine d’annuler tout ce qui s’est passé en ne vous reconnaissant pas… les
yeux perçants de sa femme le poursuivaient jusque dans son sommeil. Ces yeux
qui l’avaient regardé sans l’once du moindre amour pour lui la dernière fois…
c’était trop dur.
Le père de
famille ignorait que sa fille était montée non pas dans sa chambre bien à elle,
mais dans la sienne…
« Je dois trouver ces
informations : là où ils se sont rencontrés, là où ils ont déménagé !
Je sais qu’il ne me dira rien, ça lui fait trop de peine de rouvrir la
blessure. Je dois fouiller cette paperasse pour savoir… je dois
savoir ! » se dit Gretta.
Elle sortit son portable et fit
une photo du bureau pour être sûre de le remettre correctement et éviter tout
soupçon de son père. Puis, elle se mit à délicatement inspecter les documents
en face d’elle.
« Tiens, évidemment, je tombe sur
des choses récentes…OH ! La convention de stage d’Augustin… j’ai son nom
de famille… je le chercherai sur Facebook tiens… » sourit Gretta,
toute contente.
Puis elle
repensa au pourquoi de sa venue dans la pièce et se remit au travail.











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