Commencement ~> 18


Le regard automatique de Gretta se dirigea vers la personne près de Marienne, Elena.


« Pas elle… »

La jeune fille au regard de poupée restait fixe, ce qui la rendait encore plus comparable à de la porcelaine. Gretta se servait d’elle aussi (intellectuellement) pour se rassurer, même si c’était plus difficile ; Elena et elle avaient peut-être été amies, autrefois…

« Je dois lui parler, à elle aussi ? Si c’est pour me faire aussi envoyer chier… qu’est-ce qu’elle fabrique, d’ailleurs, à rester plantée devant son écran ? Lui aussi plante, peut-être, comme elle. Hum…je ne vois pas pourquoi j’ai des pensées aussi vives. Il se pourrait qu’elle me renvoie mes défauts, ou presque… »

– Vous pouvez commencer à ranger vos affaires.


Dans un vacarme assourdissant, les chaises des élèves libérés claquèrent. Les estomacs vides, les têtes endormies, les cerveaux ennuyés, et les esprits dans le doute, comme Gretta. Elle sentait son ventre réclamer, mais elle n’avait pas faim… voir les élèves s’agiter et encombrer le chemin lui donnait plutôt envie de se visser à sa chaise.

Elena, dans un léger sourire qui lui tira les coins de la bouche, éteignit son ordinateur.


« Je me demande si elle se rend compte qu’elle est flippante… tant qu’elle ne se rend pas compte qu’elle m’intrigue ! »

Elena. Tout en elle inspirerait à n’importe qui le seul mot : pureté. Sa peau opaline, ses yeux fluides, sa bouche sinueuse, ses beaux cheveux tombant bien comme il faut sur ses épaules… et sa silhouette assez fine pour être élégante, mais non trop frêle pour être séduisante. Son attitude digne et silencieuse englobait tous ces détails dans une seule et même impression de représentation de la beauté virginale…


Gretta repensa à cette histoire de virginité. Quelques fois, on décelait au regard à la fois apeuré, curieux et impatient d’une fille ou d’un garçon qu’il ou elle ne connaissait pas les  rapports intimes.

« Avec qui être intime ? » se demanda Gretta, soudainement attristée.


La douleur revint. Elle faisait d’autant plus mal qu’elle était arrivée par surprise, et Gretta plissa les yeux tant son cœur était rongé. Tant de souvenirs lui revenaient en tête et aggravaient la blessure dans sa poitrine. Elle devait bien accepter les faits. Il fallait faire une croix dessus. Une croix sur quoi ? Sur tout ce qui était en rapport avec elle ! Les joyeux moments que Gretta ne revivra jamais, l’instabilité et le doute ennuyeux du présent, l’incertitude et l’angoisse de l’avenir… Gretta n’aimait pas se laisser vivre. Pour elle, cela équivalait à du vagabondage cérébral. Il fallait progresser moralement. Il le fallait. Elle voulait devenir comme ces personnes qui restaient eux-mêmes tout en faisant face aux graves et fatals changements. Elle, la moindre secousse lui provoquait des tonnes de questions… pourquoi ? Elle avait tellement été secouée, il faut dire.

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