Troisièmement ~> 5

Au même moment, dans un endroit différent…

– Tiens tiens, t’es tout seul aujourd’hui toi ? T’es pas avec Miss Je-déprime-pour-rien ?

–   Ah ah ! Je suis en ta compagnie, non ?

–   Je suis la serveuse, je suis là pour bosser et pas pour être avec toi.

–   Oh, alors servez-moi un verre, s’il vous plaît !

–   Un verre de quoi ?

« Abruti… »

–  Une bière brune, s’il vous plaît !

– Tiens !

« Abruti… »

–  Merci… Sosthène !

–  T’es pas obligé de dire mon prénom, râla la jeune fille.

– On dirait que tu ne l’aimes pas… faut pas avoir honte de ton prénom ! Moi je kiffe le mien, il me rappelle mes origines !
 
–  Il fait très pseudo, le tien.

–    J’y peux rien si les anglais l’ont pris au mot.

« C’toi l’homo… non c’est pas bon comme blague. » pensa Sosthène

Coffie regarda la jeune fille. Elle semblait assez blasée de travailler ici, comme si elle n’aimait pas servir les gens. Il se dit que lui adorerait, parler à tout le monde, écouter leurs histoires, leur apporter un peu de bonheur quelques minutes…

« À tous les coups elle fait ce travail pour un peu d’argent… elle aimerait bien faire d’autres activités, lesquelles ? Maudit-elle Gretta car elle est encore toute gâtée chez ses parents ? »

– Dis-moi, mignonne Sosthène…  

– Mignonne, moi ? Je te pensais un peu plus original que ça… tu parles à une serveuse blonde aux yeux bleus qui voit des relous tous les jours quand même, pfff…

« Abruti… » 

– Ah ah ! Non mais je te rassure, j’allais pas te draguer comme ça hein. 

– Je sais bien, pas besoin de faire ton coming-out pour te justifier. 

– Moui ! Tu fais quoi de ton temps libre ? 

              Sosthène s’arrêta, médusée.

« On dirait une invitation, qu’est-ce qu’il a lui ? Ou une simple question… bah qu’est-ce qu’il a lui de toute façon, hein ?! Qu’il me fiche la paix ! C’est secret ! »

–  Ça te regarde pas. 

–   Je ne t’invitais pas, je te posais une simple question, tu n’as pas l’air heureuse de travailler, comme si tu avais hâte de faire ce que tu fais à côté. 

–   On est tous comme ça, répondit Sosthène. On a une culture de loisir.

« C’est pas l’Asie, ici. »

            Coffie continua sur sa lancée.

–  Si j’étais serveur, j’adorerais mon travail, moi ! 

– Serveur en boîte de nuit, pas ici. 

–  Tu t’y connais en boîte de nuit ? Y en a des biens ?

            Les joues de Sosthène s’empourprèrent, elle était embarrassée.

« Oh c’est mignon, je me demande pourquoi elle rougit ! Allez Sosthène dis-moi quelles boîtes de nuit tu fréquentes, que je sache si tu es comme moi… » sourit Coffie, amusé.

« Qu’est-ce qu’il m’énerve, ce faux-cul, là…heureusement que je suis pas un mec, j’me sentirais en danger quoi. » s’emporta la serveuse.

–  Je pense que tu les connais déjà, tu fais que traîner d’ta vie et la ville c’est pas une capitale quoi. 

–   Oh mais je vais au lycée aussi… en théorie. 

–  Débile… même avec le BAC tu trouves pas de boulot, enfin si… tu peux être serveur et avoir une vie nase.

–  Tu trouves ta vie nase, Sosthène ?

            Il parlait avec sincérité, mais la fierté de la jeune fille l’emporta.

– Ben là, je suis en train de te parler… donc ouais. 

–  Oh… mais souris, la vie est belle ! 

–  T’as des amis, Coffie ? À part cette dépressive qui t’idolâtre et qui te rassure ?

            

             Coffie était plus touché par ces paroles qu’il ne voulait le montrer. Il fit un sourire amusé, comme toujours.

– Ooooh, je pourrais te retourner la question !

–  Moi j’ai besoin de personne… fit la jeune fille d’un ton détaché.

–  Tous les hommes ont besoin d’être ensemble, mais ils n’osent pas le reconnaître et cultivent leur jardin secret en se plaignant d’être seuls… les gens se cachent trop de choses de toute façon…

           

Sosthène le dévisagea, puis se retourna pour aller essuyer quelques verres, « histoire de ».