
Quelques heures plus tard, Gretta avait justement quitté « cet immeuble nase » et, après avoir attendu le bus, puis le train, elle voyagea en train, puis descendit et finit à pied. Un bus pouvait lui éviter la marche de la fin, mais il passait trop rarement pour qu’elle s’embête à l’attendre. Et puis, marcher à la campagne, ce n’était pas si mal…
Ça y était. Le rituel pouvait
continuer. Comme toujours à ce stade du chemin, elle tourna la tête à droite.
La maison des Hemi. Hier, il n’y avait personne. Elle avait tant envie de voir
Gustave. Et si, ce soir, il était là ?
« Oh ! »
Sur le balcon, elle voyait le
jeune garçon avancer. Il l’avait entendu arriver ! À son tour, elle avança
vers lui, quitte à attraper un torticolis à force de lever la tête. Souriant,
il croisa les bras et baissa la sienne.
- Bonsoir Gretta…
- Gustave… je n’ai pas pu te voir hier…
- On était en visite chez de la famille.
- Oh, je comprends. Tu vas bien ?
- Bien. Et toi ? Attends, je préfère ne pas te parler d’aussi haut, on va avoir mal au cou. Je descends.
-
Il le fit. Son regard modeste et
sombre croisa celui de la jeune fille. Elle était contente de le voir. Elle
oubliait souvent que, avant de penser que Coffie était son seul ami, elle
devait penser que Gustave était là aussi. Il était un peu ours, ce qui faisait
qu’elle était encore plus contente de le voir.
-
Bonsoir. À nouveau…
-
Bonsoir…
-
TU… tu vas bien ?
-
Un peu fatiguée.
-
Les cours, sûrement…
-
Oui, j’ai eu sport…
« Et après j’ai encouragé Coffie qui jouait à Sonic… bien
crevant aussi… »
-
En tout cas ça te fait du bien d’en faire… tu as
l’air d’aller bien…
-
Pour une fois, c’est ça ?
-
Oh non, je ne t’accuse de rien. Tu souris plus,
je l’ai remarqué.
Son soi-disant sourire se mit à
s’agrandir.
-
Tu vas bien, toi ?
-
À peu près, rien à dire… raconte-moi donc ce qui
t’est arrivé aujourd’hui.
-
Mais rien… tu sais, la vie est assez vide…
-
Ne me le dis pas… je suis sûr que tu as beaucoup
d’occasions de la remplir, et que tu ne les voies pas forcément.
-
Peut-être. Mais c’est difficile, lorsque, quand
l’envie me prend, j’ai envie de sortir.
-
Si l’envie te prend lorsque la gare est fermée,
c’est sûr…
-
Tu as tout compris.
-
Le tout, c’est d’avoir envie. Rien ne t’empêche
de rester plus tard au lycée pour aller t’amuser le soir-même.
-
Tu sais bien que je n’aime pas les soirées.
-
Je sais, tu m’as déjà raconté comment c’était…
je comprends. Mais tu ne devrais pas renoncer, Gretta…
Toujours souriante, et rêveuse,
Gretta regarda le ciel.
-
Le ciel se couvre déjà…
-
Je sais… c’est beau non ?
-
Oui… même si le ciel, à force de le regarder par
la fenêtre, on le connait…
-
Je vais te laisser, Gustave.
-
Je comprends.
-
Passe une bonne soirée…
-
Toi aussi. Et ne sois pas triste…
-
Oui.
Les mains sur les hanches, elle
se remit en route. Un peu agacée.
« C’est lui qui me dit ça… »
Gustave était
déscolarisé. Il passait la plupart de ses journées dehors, ou dans sa chambre.
Il suivait des cours par correspondance. Autrement dit, il était peu encadré
dans ce qu’il faisait et le savait. Conscient de son décalage par rapport aux
jeunes de son âge, le garçon enviait parfois la jeune fille. Il savait qu’au
lycée, il traînerait avec elle, et que tous deux seraient les « deux
reclus » du lycée, qui s’entendraient bien, et se ficheraient des autres.
Il s’attristait de voir une adolescente aussi déprimée alors qu’elle avait
vraiment de quoi ne pas l’être. Même si, elle avait aussi de quoi ne pas
respirer la joie…
« En espérant qu’elle réussira à dormir ce soir… »














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